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CONFERENCE KEO -
1er mai 2009 à Opoul.
C'est à 17h que commençait la conférence KEO. La municipalité d'Opoul, fidèle à son intérêt pour le projet, avait mis à notre disposition la salle Henri Conte au centre du village, dans un très beau cadre, le Presbytère d'Opoul.
La salle était comble et toutes les chaises occupées. En comptant les personnes restées debout ainsi que les allées et venues qui ont fait grincer la porte d'entrée pendant près de deux heures, nous avons évalué la présence de 80 personnes en tout.
La plupart des participants connaissaient le sujet et je n'eus pas besoin de rappeler la raison pour laquelle Chronodrome avait invité le responsable du programme KEO.
Un journaliste de La Semaine du Roussillon était présent. |
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Début de la conférence :
En ouverture de conférence, nous avons visionné cette animation (à gauche) qui rappelle le Projet KEO, son but et ses ambitions.
Jean-Marc Philippe, en voix-off, nous rappelle les grandes lignes de ce projet avec des images de synthèse et un montage parfait qui nous laissent imaginer comment serait reçu ce satellite dans 50 000 ans et comment seront perçus par nos descendants ces messages laissés à la postérité.
Ce petit film de quelques minutes eut un impact extrêmement émouvant pour chacun d'entre nous car son narrateur, décédé depuis, n'a pu voir son satellite partir dans les cieux, lui qui avait travaillé depuis des années à sensibiliser les peuples de toutes les nations à l'importance de ce projet humaniste.
Après le film je passais la parole à Patrick, nouveau Président du Programme KEO afin qu'il puisse se présenter et expliquer à chacun d'entre nous quel avenir attend maintenant ce projet endeuillé par la disparition de son créateur. |
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Le Président du Programme KEO :
Patrick Tejedor était venu discrètement assister à l'expérience Chronodrome dans l'après-midi avec sa sympathique famille. Il me confia plus tard qu'il avait apprécié l'ambiance et l'esprit du Chronodrome. Toute l'équipe était honorée de sa présence.
Patrick Tejedor, 51 ans, est diplômé de l'Ecole Polytechnique et de Supaéro. Entré à l'Aérospatiale en 1982, il a successivement travaillé en Production (Toulouse et Nantes), aux Ressources Humaines (Paris), à la Qualité, dans les Programmes (A300, A380), et à la direction de l'établissement de Toulouse. Actuellement à la Stratégie à Airbus.
Patrick avait rencontré Jean-Marc Philippe, fondateur du projet KEO en 1995. En écoutant l'idée de Jean-Marc, il sentît que rassembler des millions de messages des Hommes du XXIe siècle pour les offrir à nos descendants était une idée géniale et qu'il pourrait lui aussi contribuer à développer concrètement ce concept. En effet, Patrick Tejedor travaille depuis bien longtemps dans l'aéronautique et grâce à son réseau de connaissances dans ce milieu, il pourrait lui apporter les compétences nécessaires à l'étude et à la faisabilité du projet KEO. |
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Le passé et le présent de KEO :
Jean-Marc Philippe, fondateur du projet, était un homme passionné qui mettait toute son énergie à développer cette idée d'offrir à nos descendants une sorte d'Arche numérique de nos connaissances. Il avait ce projet "dans les tripes" et pas un jour ne passait sans qu'il n'intervienne quelque part dans le monde pour faire connaître le concept KEO. Il travaillait jour et nuit pour faire de son rêve une réalité et les années ont défilé au rythme de sa passion.
Le temps passant, il souhaitait vraiment que son "oiseau archéologique" prenne son envol le plus rapidement possible, avant sa propre disparition. Mais les dures réalités de notre société "productive" qui se veut "rentable" lui rendent la tache bien difficile.
En effet, pour Jean-Marc tout le concept KEO repose sur les conditions suivantes :
- Chacun des habitants de la terre doit pouvoir s'exprimer librement en écrivant un texte qui sera lu dans 50 000 ans
- Tous les moyens doivent lui être donnés afin qu'il puisse délivrer son message, qu'il sache écrire ou pas, qu'il dispose d'internet ou pas.
- Son message doit être gravé dans les fameux disques de verre dans la langue originale, sans aucune censure
- La collecte de message doit être représentative de tous les peuples de la Terre, quelles que soient leur culture, leurs convictions religieuses ou politiques
- Le projet ne doit être soumis à aucune pression culturelle, politique ou financière.
Cela peut paraître idéaliste dans notre société où tout doit être rentable mais pour Jean-Marc, ce sont les conditions expresses qui feront que la qualité de l'offrande permettra aux hommes du futur de pouvoir apprécier la réalité du XXIe s.
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Tout le concept KEO repose sur le bénévolat, la contribution gratuite de l'élaboration du satellite, le respect éthique et ethnique du contenu des messages (qui ne peuvent être dévoilés avant leur envol) sans oublier les études techniques extrêmement complexes qui feront que cet objet céleste pourra tourner en orbite autour de la Terre ainsi que l'offre gracieuse des matériaux et du savoir-faire qui permettront de fabriquer et lancer ce satellite.
Les premières difficultés sont d'ordre technique. Il faut s'assurer que le projet est viable.
Il faut réunir des compétences pointues en technique aérospatiale pour mettre au point un objet suffisamment solide pour qu'il puisse survivre dans l'espace pendant au moins 50 000 ans. Il faut que cet objet soit dénué de toute technologie. KEO est un satellite passif (sans moteur ni mécanique). Il tourne selon les lois de la gravité et au bout d'un certain temps, il sera inexorablement attiré par la masse terrestre qui lui fera traverser notre atmosphère naturellement et enfin se poser sur Terre. Il faut que le contenu de ce "coffre-fort" ne soit altéré, ni par le temps, ni par les radiations ni par les chocs, ni par la chaleur générée par sa traversée. Tout cela a été étudié par un groupe de scientifiques en 1997 (puis révisé récemment) qui a conclu à sa faisabilité.
Ensuite il faut trouver un lanceur capable de faire monter le satellite assez haut pour que son orbite soit suffisamment éloignée des débris existants ou futurs. Il est évident que ce lanceur, pour des raisons économiques enverra en même temps d'autres satellites commerciaux ou militaires afin de rentabiliser ce passager hors du commun. Le lanceur actuel d'Arianespace n'est pas le seul capable de faire cela actuellement et il faudra peut-être attendre la prochaine génération de fusées pour que cet envol soit précisé.
En parallèle, il faut collecter tous les messages envoyés depuis 1999 (dont le Chronodrome) et les stocker.
Déjà des centaines de milliers de messages attendent leur envol (des hommes d'état ont aussi envoyé leur propre message).
Patrick nous explique qu'il a fallu mettre au point un logiciel spécial qui respecte l'intégrité du message reçu, dans sa langue originale avec les caractères qui lui sont propres. Tout cela se fait dans la discrétion de personnes et de sociétés qui oeuvrent bénévolement pour ce projet. Les matériaux nécessaires à la fabrication des parois qui formeront le blindage et les boucliers thermiques du satellite sont déjà stockés et fonctionnels. Les disques de verres testés en laboratoire sont opérationnels. |
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L'avenir de KEO :
Il manque maintenant un "pilote" à ce programme.
Jean-Marc Philippe nous a quittés précocement et chacun des volontaires qui participe au projet KEO doit continuer de se soumettre aux réalités de la vie quotidienne, ce qui fait qu'il n'est pas possible d'offrir 100 % de son temps à cette aventure extraordinaire.
Patrick gère la transition et continue d'utiliser ses compétences et son expérience dans l'aérospatiale pour rechercher "l'homme de la situation", capable de remplir toutes ces conditions et de piloter le projet en respectant la vision humaniste de Jean-Marc. Patrick est un homme de valeurs, optimiste et patient. Encore jeune et dynamique, il a décidé de "prendre son temps" et de s'assurer que la relève serait digne et efficace.
Les reports successifs du lancement de KEO ont essoufflé de nombreuses volontés et il a donc été décidé que l'équipe de KEO ne prendrait plus l'initiative de communiquer sur le programme tant qu'une date de lancement n'aura été formellement planifiée par une agence spatiale. |
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Fin de la conférence :
Il a été très difficile d'écourter cette conférence avec un sujet aussi passionnant qui a suscité de nombreuses questions dont les réponses, pour la plupart, se trouvent déjà dans ce rapport. Bien sûr j'ai pu oublier quelques détails mais c'est en tout cas ce que j'ai retenu de l'intervention de Patrick.
Si je devais faire un bilan de la situation, je dirais tout simplement que le Programme est entre les mains de la meilleure personne que l'on puisse trouver pour le moment et que je suis à peu près certain que je verrai le satellite prendre un jour son envol.
La preuve de mon optimisme est que je continuerai d'attendre le signal des hommes du futur, comme promis, jusqu'en 2050. Car comme je l'ai toujours dit, peu importe l'année du lancement, si les hommes du futur maîtrisent un jour le voyage dans le temps, ils pourront toujours choisir de nous contacter avant que le satellite ne soit parti.
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Toute l'équipe du Chronodrome se joint à moi pour remercier Patrick Tejedor et la municipalité d'Opoul. |
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